140 ans d’histoire pour l’Institution Saint-Aspais

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L’institution fête cette année ses 140 ans, découvrez à travers ce texte le premier siècle de son histoire qui a permis de façonner son identité et ses valeurs d’aujourd’hui.

 

Un soir de l’été 1883 M. le Chanoine THOMELIN, curé de la paroisse Saint-Aspais, avait convié à sa table ses deux vicaires : M. l’abbé THIBAULT et M. l’abbé BOUTILLIER. Au milieu des conversations qui allaient bon train, M. le curé fut appelé au salon. M. CAULO, directeur d’une modeste pension de jeunes gens venait lui proposer la maison d’enseignement qu’il s’apprêtait à quitter. Dès le lendemain M. l’archiprêtre demandait audience à Mgr ALLOU, évêque de Meaux (1839-1884), qui le laissa partir sans grands encouragements. M. le chanoine THOMELIN se rendit alors chez son ami le chanoine GIRARD, directeur du grand séminaire, que le projet de fonder à Melun une maison d’éducation chrétienne enthousiasma sans réserve. Ils convinrent tous les deux que le premier vicaire de Saint-Aspais était l’homme qui répondait le mieux à la situation et qu’il fallait lui confier cette affaire.

La maison est acquise pour la somme de 42 000 francs. Elle est située au 3 de la rue Duguesclin, au coin de la rue Saint-Jacques. C’est une bâtisse vétuste, le mobilier scolaire n’a pas été renouvelé ; le personnel enseignant n’est pas encore engagé en cette fin de septembre. Et pourtant la rentrée des classes a lieu le premier mercredi d’octobre 1883.  M. l’abbé THIBAULT attend les élèves qui arrivent au compte-goutte. Au soir de la première journée ils étaient sept pensionnaires auxquels le lendemain vinrent se joindre huit externes. L’un des premiers élèves de ce mois d’octobre sera le futur économe de Saint-Aspais, le chanoine VERCHERE.

Ainsi naquit l’institution que l’on appelait alors la pension Thibault.

Peu de temps après l’abbé GIRAULT fut appelé à seconder l’abbé THIBAULT qui, le 6 janvier 1884, toutes les formalités remplies et toutes les autorisations reçues, put prendre officiellement le titre de  »directeur ». Cette date explique la présence de l’étoile de l’épiphanie dans les armes de Saint-Aspais.

En 1887 est fondée une société civile qui, avec l’aide de Maître FOURNIER, notaire à Melun, fait l’acquisition pour la somme de 130000 Francs d’une propriété qui appartenait à la famille du Président DESPATYS. Située au sommet de la colline Saint-Barthélemy elle ne possédait au milieu d’un vaste parc de trois hectares qu’une grande maison bourgeoise qui en 1846 avait remplacé le château primitif. En 1815 François II, empereur d’Autriche et beau-père de Napoléon 1er y avait passé trois semaines alors que son quartier général était installé à Melun.

Il faut construire, on construira donc. Les locaux scolaires et la transformation d’une ancienne bâtisse en chapelle exigeront 350 000 Francs. La première tranche des travaux terminée, M. ]’abbé THIBAULT et M. l’abbé GIRAULT font à pied le pèlerinage de Melun à Chartres pour déposer sur l’autel de la Vierge les clefs de la maison.

En 1888, l’institution peut s’installer au 36 de la rue Saint-Barthélemy. Sous l’impulsion des abbés BRUNET et SARRAT une fanfare retentit dès 1890 sous les arbres du parc. 1895 voit la naissance de l ‘Association des anciens élèves dont le premier Président est Gabriel de BONNEVILLE.

Après treize années de supériorat, en 1896, le chanoine THIBAULT, son œuvre solidement assise, se retira, laissant la direction de l’école aux Pères de Tinchebray qui avec quelques prêtres du diocèse et un ou deux laïcs prirent en charge l’établissement. Le Père BERNIER fut nommé supérieur. Prêtre depuis 1874 il avait fait ses études universitaires à Caen. Docteur en lettres, historien et philosophe il avait publié un grand nombre d’ouvrages, dont :

  • Une traduction des Lettres de Sénèque à Lucilius,
  • Une thèse latine sur les doctrines philosophiques de Jean-Baptiste DU HAMEL
  • Un essai sur le Tiers-État rural de basse Normandie au XVIIIe siècle

L’école prospérait ; elle comptait vers 1900 une quarantaine d’externes et cent vingt pensionnaires. Mais voici le premier orage. Le 25 septembre 1904, peu avant la rentrée, fut votée la loi sur les congrégations enseignantes. La veille même de la réouverture des cours, alors que plusieurs pensionnaires étaient déjà rentrés, les gendarmes vinrent pour procéder à l’expulsion. Le Père BERNIER demanda et obtint l’autorisation d’aller chercher le Saint-Sacrement à la chapelle, puis il protesta contre la violence qui lui était faite et refusa de sortir. Alors les gendarmes lui mirent la main au collet et l’emmenèrent comme un malfaiteur de droit commun. Les professeurs, les religieuses, les élèves pensionnaires, tout le monde fut expulsé… L’hôtel du Grand Monarque recueillit plusieurs professeurs et quelques élèves. Deux belles maisons contiguës rue Saint-Liesne, l’une ancien presbytère de l’église Saint-Liesne appartenant au Dr MARQUESY, l’autre à M. REGNAULT, furent généreusement mises à la disposition de l’école. Ce fut un civil, un ancien élève, M. Léon CHAPPEE, qui devint directeur tandis que le Père BERNIER, entre temps nommé chanoine par Mgr de BRIEY, enseignait la philosophie et l’histoire. Les événements rapprochèrent ainsi de ses élèves celui qui avait été un supérieur lointain et redouté. Son enjouement distrayait la table qu’il partageait avec ses collègues et ses disciples. Alors fut fondée une société civile composée de pères de famille. Après deux ans de procès elle obtint enfin en justice : la propriété de la rue Saint-Barthélemy lui fut restituée en 1906 et l ‘école put s’y réinstaller. MM. les abbés CHINCHOLLE et GIRAULT furent successivement directeurs de la maison. M. le chanoine POIRIER quitta sa retraite pour assumer pendant quelque temps la charge de supérieur. L’école ne comptait plus qu’une quarantaine d’élèves autour de professeurs parfois improvisés. Le bateau menaçait de sombrer lorsque M. le chanoine VIVIER fut envoyé comme supérieur par Mgr de BRIEY pour la rentrée de 1909. La bonté profonde qui le caractérisait sut panser les plaies, son sourire, sa charité sacerdotale et tout son rayonnement contribuèrent au renouveau de Saint-Aspais.

C’est en juillet 1912 que Mgr MARBEAU, le nouvel évêque de Meaux demanda à M. l’abbé Albert BROS de devenir supérieur de l’Institution. Il le fit en ces termes :  » Rogavi ut responderes mihi sicut Petrus : in verbo tuo laxabo rete » (*) et le jeune prêtre répondit en répétant ces mêmes paroles :  » ln verbo tuo laxabo rete ‘‘. Il ajouta, car il ne manquait pas de réalisme, qu’il espérait que des prêtres du diocèse viendraient l’aider dans sa nouvelle tâche. Et il en fut ainsi, bientôt arrivèrent MM. FONTAINE, PETIOT, BOURGEOIS, VERCHÈRE, RAOULT, DURIF, MARGUIER et BESSON.

(*) Je vous ai demandé de répondre comme Pierre : « Sur ta parole je lancerai le filet »

Monsieur l’abbé BROS avait fait ses études supérieures à l’Institut Catholique de Paris. Personnellement il s’était intéressé à l’ethnologie religieuse et avait publié quelques ouvrages sur ce sujet. Doué d’une forte personnalité, de grande qualités d’administrateur et d’entraîneur d’hommes il donna un lustre étonnant à l ‘Institution dont la renommée se répandit dans la région parisienne et bien au-delà. Dès la rentrée 1913 elle comptait cent soixante élèves dont quatre-vingt-dix internes. Cette même année l’abbé FONTAINE, vicaire à Saint-Aspais fut nommé professeur ; à l’issue d’un congrès eucharistique qui eut lieu dans la propriété l’abbé BROS reçut le titre de chanoine honoraire.

Mais le 1er août 1914 sonna le tocsin, c’était la mobilisation générale ; dès le lendemain la maison était réquisitionnée, l’ambulance n° 6 de la Croix-Rouge et une section hors-rang du 3ème R.I. s’y installaient. Le supérieur devenait aumônier de la Croix-Rouge. Voici que cinq cents soldats du train arrivent avec leur matériel, tandis que deux lieutenants anglais logent à Saint-Aspais. Cependant, grâce à de nombreuses démarches de la part du supérieur, la rentrée se fera les 15 et 16 octobre, mais l’école ne compte plus que quatre-vingt-huit élèves dont quarante-et-un internes. Des classes occupent tous les coins du château ; bien des professeurs sont mobilisés dont les abbés BOURGEOIS et REPIQUET. En 1915 nouvelle menace de fermeture, le chanoine BROS tient bon, il fait le vœu avec l’abbé FONTAINE de faire ériger une statue à Marie Immaculée au milieu de la pelouse et de faire graver le  » souvenez-vous  » sur son piédestal si la maison est préservée, puis accompagnés de l’abbé PETIOT ils font un pèlerinage à Lourdes. L’année 1916 voit la fondation de la conférence Saint-Vincent-de-Paul (section bienheureuse Jeanne d’Arc), de la congrégation de la Sainte Vierge et de l’Association Saint Michel. M. Paul PASCAL, professeur de dessin, exécute la fresque de la chapelle. « L’Académie  » verra le jour en 1918. Elle est composée des élèves des grandes classes qui devant leurs camarades et leurs professeurs viennent traiter un sujet sur des questions sociales, littéraires ou religieuses.

Le 11 novembre 1918 M. l’abbé FONTAINE annonce aux élèves la signature de l’armistice. Plus de 3 000 blessés sont passés dans l’hôpital auxiliaire n° 6 à Saint-Aspais, vingt-cinq y sont morts. Parmi les professeurs et les anciens élèves soixante-neuf ont donné leur vie pour la France.

Les locaux sont rendus à leur première destination, les professeurs sont démobilisés et retrouvent leur place, la vie normale reprend peu à peu.

L’abbé FONTAINE est nommé sous-directeur.

En 1920, des religieuses « les Dames de Saint-Louis » arrivent à Saint-Aspais, elles ont en charge la chapelle, l’infirmerie, la cuisine et la lingerie. Leurs humbles travaux rendront d’éminents services à toute la communauté.

Le 31 mai 1921, l ‘école perd un de ses grands protecteurs : Mgr MARBEAU, l’évêque de Meaux qui sera remplacé en février 1922 par Mgr GAILLARD qui lui non plus ne ménagera pas son soutien à l’Institution ; c’est lui qui bénira la plaque commémorative des morts de la guerre 1914-1918.

En 1923, sera fondée la  » Société Anonyme Saint-Aspais  » et seront acquis la propriété Péron (l’annexe) et un vaste terrain contigu au parc qui deviendra le potager avant que ne soient construits les nouveaux bâtiments.

Un congrès eucharistique réunit chaque jour 2 000 fidèles sur la pelouse de Saint-Aspais entre le 28 avril et le 1er mai 1927. Les scouts de France (la 1re Melun) font leur apparition à Saint-Aspais. Leur premier camps d’été aura lieu à Théoule (Alpes-Maritimes).

Dix ans après la fin de la guerre, en octobre 1928, l’actif chanoine BROS fonde à Fontainebleau la division Saint-Joseph de l’Institution Saint-Aspais. Il restera le supérieur des deux établissements, mais la direction de Melun sera confiée à l’abbé FONTAINE et celle de Fontainebleau à l’abbé PETIOT. Certains professeurs feront la navette entre les deux maisons dans une voiture légendaire, la 752 QU, conduite par le très digne M. DUVAL. Quelle meilleure manière de préparer une classe sur la poésie ou sur l’art que de flâner sur les routes ombragées de la forêt ou sur les bords de la Seine !

Le 5 juin 1933, le lundi de la Pentecôte, Saint-Aspais fêta son Cinquantenaire. La messe fut célébrée en l’église Saint-Aspais par M. l’abbé DEMARS, ancien élève, sous la présidence de Mgr LAMY, évêque de Meaux. Au chœur assistaient à la cérémonie Mgr CHAPTAL, évêque auxiliaire de Paris et Mgr BAUDRILLART, recteur de l(Institut catholique et membre de l’Académie française. Le sermon fut prononcé par M. l’abbé ROBLOT, ancien professeur (alias Jacques DEBOUT, auteur littéraire). Le déjeuner réunit plus de quatre cents couverts. Mgr LAMY, au cours de ce repas, donna lecture d’un télégramme du Souverain Pontife Pie XI nommant le chanoine BROS  » prélat domestique de la maison de sa sainteté  » avec le titre de  » Monseigneur ». Le fondateur de la Maison, M. le chanoine THIBAULT, n’avait pu assister au Cinquantenaire. Il mourra quelques semaines après, le 30 juin à l’âge de 89 ans.

En octobre de la même année s’ouvrira une nouvelle division de Saint-Aspais : l’école paroissiale Saint-Ambroise, dont M. le chanoine FONTAINE sera le directeur.

En octobre 1934, les deux cent quatre-vingts élèves que comptait alors, Saint-Aspais assistèrent à l’inauguration de la chapelle agrandie et restaurée.

Après vingt-cinq ans de supériorat Mgr BROS, nommé Vicaire général, laisse sa charge en septembre 1937 à M. le chanoine FONTAINE qui jusqu’alors était directeur et professeur de philosophie. Parmi les auteurs du programme deux retenaient surtout l’attention de ce philosophe :

Auguste COMTE et BERGSON. Il professait une grande admiration pour Charles PEGUY, dont il savait de nombreuses pages par cœur. Ame tendre et délicate il publia lui-même des poèmes. Il était d’une bonté rayonnante et d’une piété remarquable, il donnait le goût du sacerdoce et sut guider plusieurs de ses élèves vers le séminaire. Il avait un grand talent d’imitateur qui mettait en joie ses intimes. Deux ans se passent, puis c’est de nouveau la guerre, le 2 septembre 1939. Des professeurs sont rappelés aux armées, une nouvelle fois une ambulance est installée dans les locaux scolaires. Bientôt arrivent des réfugiés du Nord talonnés par les Allemands ; en juin 1940 tout le monde est sur les routes, c’est l’exode puis le retour. La maison est fermée, réquisitionnée par les Allemands, mais vide. Grâce à l’audace et à l’astuce du Père BOURGEOIS, dit le Burge, la direction et quelques professeurs se réinstallent sans tambours ni trompettes. Tous connaissant la discipline allemande l’inscription ‘‘Eintritt verboten »(**) écrite par des mains françaises apparaît sur de nombreuses portes et les Allemands n’entrent pas.

(**) Entrée Interdite

L’école pourra assurer la rentrée sans trop de difficultés. Un escadron allemand viendra cependant de temps en temps prendre ses cantonnements à Saint-Aspais et deux chambres resteront à la disposition de l’armée allemande. Les cours interrompus de plus en plus souvent par les alertes et les descentes dans les abris, purent continuer à peu près normalement. Fin 1940 étaient déjà tombés une vingtaine d’élèves ou de professeurs pour défendre le sol de France.

En 1944, après le départ des élèves en vacances, l’école accueillit dans ses locaux inoccupés des enfants de l’orphelinat Saint-Charles du XVe arrondissement de Paris, évacués à cause des bombardements, puis d’autres sous la conduite des frères de Saint-Gabriel. Deux cent cinquante employés de la Préfecture et du service de ravitaillement venaient prendre leur repas à l’école. Différents services municipaux situés près des ponts ou de la voie ferrée trouvent refuge à leur tour dans les classes libres de l’Institution ; des commerçants viennent camper dans le parc, une colonne allemande s’y camoufle avec son matériel. Le 21 août des Allemands font sauter leurs dépôts de torpilles entreposées à Livry et, à Villaroche, les vitraux de la chapelle volent en éclats. Le 24 l’artillerie américaine tire sur la partie nord de la ville, la flèche de l’église Saint-Aspais s’écroule en flammes, de nombreux obus atteignent les bâtiments de l’école, y causant de très gros dégâts alors que plus de cent quatre-vingt personnes se tiennent dans le souterrain qui relie le château aux bâtiments scolaires. Le 25 les Américains font leur entrée à Melun. Les drapeaux bleu-blanc-rouge flottent aux fenêtres, tous sont à la joie de la libération ; mais dans la nuit du 28 au 29 août une vingtaine d’avions allemands viennent lancer quelques bombes explosives et une quantité impressionnante de bombes incendiaires sur Melun. Tout le quartier nord est en feu. Le bâtiment principal de Saint-Aspais et l’annexe sont la proie des flammes. Les abbés Jacques GIVELET et Jacques HOUDART luttent jusqu’à épuisement, aidés par les gens de la maison, les voisins et même des prisonniers de la maison d’arrêt qui ont été provisoirement libérés par leurs gardiens. Les canalisations d’eau sont coupées, il faut faire la chaîne jusqu’aux puits d’alentour. Au petit matin tout danger est écarté, mais une grande partie des toits des bâtiments scolaires a disparu, les murs offrent à la vue d’énormes trous béants, les planchers sont effondrés en maints endroits.

La rentrée s’effectuera cependant grâce à la bonne volonté de tous. Il faudra attendre fin novembre pour que la toiture soit refaite, les vitres manqueront encore quelque temps. Ce n’est qu’au début de 1946 que tout sera à peu près remis en état, alors aussi on pourra commencer à manger à sa faim.

Peu à peu les soldats sont démobilisés, les prisonniers reviennent, certain du fin fond de l’Allemagne, d’autres de la Hongrie et même de Russie. De nouveau Saint-Aspais compte ses morts : vingt-six noms viendront s’ajouter aux soixante-neuf morts de 1914-1918.

En août 1945, M. le chanoine FONTAINE quitte les fonctions de supérieur qu’il assurait depuis 1937, soit pendant huit ans, mais quelles années ! Il deviendra curé-archiprêtre de Fontainebleau et sera remplacé comme supérieur par M. le Chanoine PETIOT tandis que M. l’abbé Jacques BOHINEUST deviendra directeur de Saint-Aspais de Fontainebleau. Le chanoine PETIOT était depuis longtemps déjà professeur de lettres dans la Maison. D’une remarquable élégance naturelle, d’une érudition peu commune et d’un goût très sûr il était un hôte apprécié dans les cercles littéraires, les académies et jusqu’à la cour royale de Belgique. Sa grande connaissance du cœur humain, la sûreté de son jugement, la profondeur de sa vie intérieure lui donnèrent auprès de la communauté aspasienne un rayonnement peu commun.

Les anciens élèves réunirent leur première assemblée générale d’après-guerre le 7 juillet 1946. Ils désignèrent à cette occasion leur nouveau président : M. Pierre CHOUARD en remplacement de M. Georges COLIN qui exerçait cette fonction depuis 1913 et qui était décédé en 1942.

Un terrain de sport conçu par M. l’abbé BEZINE et M. WYDOODT, complètement aménagé par les élèves, fut solennellement inauguré le 4 juin 1950 lors d’une magnifique fête sportive.

A la rentrée de 1952 est créée dans la maison une nouvelle fonction, celle de directeur des études, qui est confiée à M. Noël CHAPUIS.

Mgr BROS, ancien supérieur, promu, quelques mois auparavant  » protonotaire apostolique » reçoit la Légion d’Honneur ainsi que Pierre DUPARQUET, professeur et secrétaire de l’Association des anciens élèves depuis juin 1919.

Mgr DEBRAY, évêque de Meaux, préside le 18 mai 1958 le 75e anniversaire de l’Institution et les noces d’argent sacerdotales du chanoine Jacques GIVELET, vice-président de l’association des anciens élèves et alors économe de la maison.

L’école et le diocèse ont la tristesse d’apprendre le 2 novembre 1960 le décès de Mgr Albert BROS, ancien supérieur, dans sa 89ème  année et la 64ème de son sacerdoce. Le suivront à peu d’intervalle en 1962 les chanoines Etienne BOURGEOIS et Charles FONT AINE, ses anciens collaborateurs.

Le chanoine André PETIOT, qui faisait partie de la même équipe, résiliait fin juin 1962 ses fonctions de supérieur de Saint-Aspais où il était arrivé comme professeur en 1913. Lui succédait M. le chanoine GUIGNIER, ancien professeur de la maison, professeur titulaire de géographie à l’Institut Catholique de Paris, auteur d’un manuel de géographie humaine pour la classe de 2nde. Il était sur le point d’achever une thèse de doctorat d’État, qui fut interrompue par sa nomination à la tête de Saint-Aspais.

À la suite de la loi « Debré sur les rapports entre l’État et les Établissements d’enseignement privés » Saint-Aspais avait demandé dès 1960 le contrat d’association pour ses classes secondaires et le contrat simple pour ses classes primaires. Chaque année des classes nouvelles étaient mises en état de répondre aux exigences de la loi. Lorsque l’ensemble fut sous contrat, le nouveau supérieur qui voyait grand et qui n’était ni sans audace ni sans ambition, fit un emprunt à long terme en vue de la construction d’un nouveau bâtiment qui comporterait une vingtaine de classes avec laboratoires modernes et spacieux. Ceci augmenterait considérablement la capacité d’accueil de l’Institution et la mettrait en mesure de répondre au développement de Melun et de sa banlieue. Les travaux devaient débuter fin 1965. En prévision des effectifs à venir de nouvelles structures furent mises en place : M. l’abbé BEZINE quittait son poste de préfet pour devenir sous-directeur, M. Noël CHAPUIS restait directeur- des études, M. Norbert TANNHOF prenait la responsabilité de la division des Terminales, M. Jean-Paul SUARD celles des grands (1ère et 2nde), M. Paul LE SAOUT celle des moyens (3ème et 4ème), M. l’abbé ZITVOGEL, celle des cadets (5ème et 6ème). A l’abbé GIROUX sera confiée quelques années plus tard celle des petits (classes primaires) ; il l’animera jusqu’à la veille de l’église Saint-Aspais en présence d’une foule considérable et de nombreux représentants des autorités civiles et religieuses.

La pose de la première pierre des nouveaux bâtiments eut lieu le 1er mai 1966. On célébra à cette occasion avec quelques mois de décalage le 25ème anniversaire de l’ordination sacerdotale de M. l’abbé BEZINE qui remplissait les fonctions de directeur par intérim. Mgr MÉNAGER, évêque de Meaux, rendit hommage à la mémoire du chanoine GUIGNIER, puis à la fin du banquet annonça la nomination de M. le chanoine Jacques BOHINEUST comme supérieur. Celui-ci n’était pas un inconnu : de 1923 à 1932 il avait été élève à Saint-Aspais de Melun ; après son séminaire et des études universitaires de philosophie il avait occupé successivement et parfois simultanément les fonctions de professeurs, de préfet de discipline puis de supérieur à Saint-Aspais de Fontainebleau pendant vingt-et-un ans. Avec seulement huit jours de retard sur la rentrée normale la maison put accueillir le 24 septembre 1966 les six cents élèves qui s’étaient inscrits. L’audace du chanoine Christian GUIGNIER avait fait sortir de terre une construction spacieuse et bien adaptée ; des laboratoires bien équipés permettaient aux élèves de travailler dans de bonnes conditions les sciences physiques et naturelles.

Petit à petit se poursuivait une évolution qui semblait inéluctable : dès 1950 des jeunes filles étaient admises au cours de vacances, puis, en collaboration avec l’Institution Jeanne-d’Arc, elles firent leur entrée dans les classes terminales. Le corps professoral se féminisa aussi de plus en plus et grâce à la loi Debré, qui leur offrait des salaires plus décents, des professeurs jeunes purent être engagés.

Mais soudain éclata la bombe de 1968 qui faillit faire voler en éclats notre société et son institution scolaire. Au milieu de l’ébullition générale Saint-Aspais restera un îlot relativement calme, mais ne pourra échapper aux A.G. (assemblées générales), aux  » sittings  » et à l’envahissement de son enclos par des défilés tellement à la mode cette année-là. Tout ce remue-ménage ne fut pas sans poser de problèmes à la direction, aux enseignants et aux parents. Que de réunions, parfois houleuses, mais aussi que de salutaires remises en question. Bien des projets pédagogiques, dont nous vivons encore, ont alors vu le jour. C’est de cette époque que datent en particulier les Conseils de maison et les Conseils de classe ainsi que l’institution des élèves délégués de classe. Le comité de gestion, l’association des parents d’élèves ont acquis une importance et une responsabilité qu’ils ne possédaient pas auparavant.

Par cette capacité d’adaptation n’était-ce pas là faire preuve de vitalité chez cette vieille  » Dame  » qui cinq ans plus tard fêtait, son 90ème anniversaire. À cette occasion elle reçut la visite de Mgr MENAGER, alors évêque de Meaux et de Mgr CUMINAL, ancien secrétaire général de l’Enseignement catholique, actuellement évêque de Tulle; de nombreux anciens étaient aussi venus témoigner leur attachement à leur école, parmi eux M. Pierre CHOUARD, leur président et S.E. SON SANN (promo 1929), ancien premier ministre du royaume du Cambodge, qui depuis est retourné dans son pays pour le défendre contre l’invasion.

En cette même année 1973 au mois de juillet. Mgr Louis KUEHN devenait évêque de Meaux. Très vite il se pencha sur le problème des écoles et demanda qu’une carte scolaire soit réalisée entre tous les établissements du secteur de Melun et que des sections d’enseignement technique soient créées. Ce sont là cieux questions qui domineront les années suivantes.

Le manque de prêtres conduisit l’évêque à faire appel à des directeurs laïcs. Ce fut Noël CHAPUIS-qui inaugura la série en septembre 1975, soutenu par un solide Conseil d’administration et une active association de parents d’élèves, M. le chanoine BOHINEUST devint l’aumônier des religieuses de l’abbaye de Jouarre avant de revenir prendre du service à la paroisse de Fontainebleau. À Melun il avait eu la lourde charge de mettre en place les nouvelles structures de Saint-Aspais. Il avait dû vivre toute l’effervescence de 68. Il l’avait fait avec beaucoup de calme, avec modération et dans un incessant recours à la prière. La chapelle lui doit ses superbes vitraux, œuvre de Louis-René PETIT.

Peu à peu la mixité fut introduite dans toutes les classes, les premières sections techniques de comptabilité et de gestion furent ouvertes. En collaboration avec les institutions Jeanne d’Arc de Melun et Nazareth de Voisenon les regroupements envisagés commencèrent à se mettre en place : année après année Saint-Aspais cédait ses classes de 1er cycle (collège) et accueillait l’ensemble des élèves du 2ème cycle (lycée d’enseignement général et lycée technique) tout en conservant ses classes primaires (école) qui étaient installées dans de nouveaux locaux récupérés sur d’anciens dortoirs. L’école Sainte-Marie de Melun conservait son statut : classes primaires et classes du 1er cycle. La réalisation de ce programme a été longue, difficile et parfois angoissante. A cette époque fut engagée une première tranche de travaux importants à Saint-Aspais : réfection d’une grande partie des toitures des anciens bâtiments, installation d’un nouveau chauffage central, nouvelle installation électrique, transformation de salles de cours, peinture. . . Les classes techniques exigèrent aussi dès la première année l’achat d’un important matériel nouveau, en particulier des machines de bureau.

Monsieur Jean-Claude POUCHARD qui, en qualité de directeur succèdera à la rentrée 1980 à M. Noël CHAPUIS, qui prenait sa retraite, eut la lourde charge, dans des circonstances parfois difficiles de continuer les regroupements prévus. La deuxième tranche de travaux fut entreprise avant son départ et achevée pour la rentrée 1983 qu’avait préparée son successeur M. François PASSERON. Tout le 1er étage au-dessus des réfectoires est consacré à l’enseignement technique. De vastes salles tout à fait adaptées aux travaux de comptabilité et de gestion y ont été aménagées. Une série de mini-ordinateurs et une imprimante sont venus compléter le matériel déjà existant. Les regroupements scolaires sur Melun seront achevés à la rentrée 1984 par la suppression des classes de 3e à Saint-Aspais. L’établissement compte en1983 plus de 900 élèves.

Voici donc depuis plus de 100 ans que vogue le petit bateau lancé par l’abbé THIBAULT.

Il a affronté bien des périls, bravé bien des tempêtes : deux guerres mondiales, une occupation, une expulsion et une confiscation, des crises, des difficultés financières et pourtant il est là avec tout son équipage, prêt, malgré les nuages à continuer sa marche en avant  » stabiles in fide  » :  » avec une confiance inébranlable  »,  » avec une foi sans faille  », comme le dit si bien sa devise.